Sir David King, le conseiller en chef du gouvernement britannique pour la Science, n’y va pas par le dos de la cuillère : “La politique des Etats-Unis sur le climat est beaucoup plus dangereuse pour la planète que le terrorisme”, affirme-t-il dans l’hebdomadaire américain Science. Une opinion reprise par le quotidien anglais The Independent, qui cite les propos du scientifique : “L’administration Bush ne prend pas le changement climatique global suffisamment au sérieux. Toute sa politique repose sur des incitations financières et un appel à la bonne volonté.” Sans compter que la Maison-Blanche conteste la réalité du réchauffement climatique. “Et, là encore, elle a tort”, s’insurge sir David King, relayé par The Independent, car “les dix années les plus chaudes de l’histoire du globe ont commencé en 1991 et la température moyenne a augmenté de 0,6 °C en un siècle”.

Pour le conseiller en chef du gouvernement britannique pour la Science, les Etats-Unis sont à la fois coupable de ne rien faire, en refusant notamment de ratifier le protocole de Kyoto, et d’être d’énormes pollueurs, “responsables de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (alors qu’ils ne représentent que 4 % de la population du globe)”. D’accord, reconnaît le chercheur, “les Britanniques produisent aussi des gaz à effet de serre, mais seulement à hauteur de 2 % des émissions mondiales. En outre, notre gouvernement s’est engagé à réduire ces émissions à 60 % du niveau de 1990, et ce d’ici à 2050.” Pour sir David King, les choses sont simples : “Les Etats-Unis ont un devoir moral de se battre au côté des Britanniques dans la lutte contre le changement climatique.”

Des résultats “proprement terrifiants”

Et sir David King de rappeller que “si rien n’est fait, des millions d’être humains supplémentaires seront exposés à la faim, à la soif, aux catastophes naturelles ou à des maladies comme la malaria. En se souvenant que les habitants des pays pauvres seront de toute manière les plus exposés. Par exemple, si nous maintenons notre consommation d’énergies fossiles, en 2008 des centaines de millions de personnes seront victimes d’inondation dans les régions de delta des grands fleuves.”

Une alerte qui se fait, coïncidence, l’écho d’une étude parue jeudi 8 janvier dans l’hebdomadaire anglais scientifique de référence Nature et qui indique “qu’à cause du réchauffement global de la planète, environ un million d’espèces auront disparu de la surface et des airs du globe en 2050”. The Guardian, relayant Nature, révèle qu’environ “un quart des animaux et des plantes terrestres seront conduits à l’extinction dans les cinquante prochaines années à cause de températures moyennes de plus en plus élevées”. Les chercheurs ont étudié pendant deux ans “1103 espèces de plantes, mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et insectes dans six régions tests, à savoir l’Europe, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Brésil, le Mexique et le Costa Rica”, précise The Independent. Et les résultats sont “proprement terrifiants”, selon le professeur Chris Thomas, de l’université de Leeds, qui a conduit l’étude, réalisée par des chercheurs de chacune des régions “pilotes”.

100 000 espèces sont inéluctablement condamnées

“Ces espèces vont disparaître parce qu’elles ne trouvent plus nulle part où vivre, nul lieu climatique qui leur convienne”, explique le Financial Times. “C’est aussi pour cela que les insectes et les plantes sont plus affectés par les changements climatiques que les oiseaux ou les mammifères, qui sont plus mobiles” et peuvent donc aller chercher fortune ailleurs. Toutefois, note le quotidien, “ces plus gros animaux sont également condamnés, par manque de nourriture, une fois que les plus petits et les plantes auront disparus”. Par exemple, “en Australie, sur 24 sortes de papillons étudiées, dont certaines sont uniques, seules 3 devraient survivre. En Afrique du Sud, une réserve aussi célèbre et importante que le parc Kruger va perdre 60 % de ses espèces protégées. Au Brésil, sur les 163 espèces d’arbres considérées, 70 vont disparaître”, rapporte The Guardian.

Pour les chercheurs, seul un arrêt “immédiat” de toutes les activités générant des gaz à effet de serre pourrait permettre d’éviter le désastre. Et encore ! Même ainsi, “au moins 100 000 espèces sont inéluctablement condamnées”, car le réchauffement climatique est un phénomène à retardement, qui ne peut être arrêté instantanément. Chris Thomas est d’ailleurs extrêmement pessimiste : “Notre étude ne tient pas compte de facteurs non climatiques comme, par exemple, les interactions du climat avec la destruction des habitats.” Du coup, leurs prédictions sont peut-être… optimistes !

Pourtant, Moscou vient de refuser de signer le protocole de Kyoto. Quant à la Maison-Blanche, elle a depuis longtemps déclaré que “le mode de vie des Américains n’est pas négociable”. Pour Louis XV, c’était “après nous le déluge” ; pour George W. Bush, “après moi, la canicule”.

Eric Glover © Courrier international