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Une enquête préliminaire ouverte à Lyon sur un rap antisémite diffusé via Internet

LE MONDE | 25.02.05 | 16h28

Un mois après la saisine de la justice, le titre "Nique les juifs" est toujours téléchargeable.

La voix semble jeune, le ton familier du phrasé rap. Les premiers mots le sont moins : "Je dédicace cette putain de zique à ces fils de putes de juifs". Suivent, pendant 3 minutes et 20 secondes, une série de rimes hasardeuses dans lesquelles les juifs sont des "kystes" qu'il "faut enlever, faut brûler", des "chiens qui servent à rien", qu'il "faudrait tous tenir en laisse". Ou encore : "Hitler, ce taré déterminé/ A compris qu'il fallait tous les gazer/ Comme des putains de cafards les écraser/ Jusqu'au dernier les exterminer." Périodiquement, une voix d'enfant scande le refrain : "A tous les juifs, niquez vos mères/ Brûler une synagogue, j'aimerais bien l'faire". Et un nouveau couplet repart.

L'alerte a été donnée il y a un mois et demi. Deux étudiants lyonnais, surfant sur Internet à la recherche de morceaux de leur groupe favori, ont eu la surprise de trouver le titre Nique les juifs. A la première écoute, ils n'ont eu aucun mal à déceler qu'il ne s'agissait pas de leurs idoles, Pass pass. Rythmique primaire, mixage médiocre, paroles aussi frustes que racistes : aucune confusion n'était possible. Le nom des rappeurs lyonnais ne servait que de faux nez pour mieux envahir la Toile. Mais, devant la violence des propos, ils ont saisi le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

Après quelques jours d'hésitation, le CRIF a averti la préfecture du Rhône. "Nous ne voulions pas médiatiser l'affaire, mais nous ne pouvions pas non plus ne rien faire, explique David Gamrasni, directeur du CRIF Rhône-Alpes.Le morceau était disponible sur deux des principaux sites de téléchargement. Cela voulait dire des millions d'auditeurs potentiels." La préfecture a transmis le dossier au procureur de Lyon, qui l'a reçu "début février" et décidé, après une semaine de réflexion, d'ouvrir, le 9 février, une enquête préliminaire.

"W" ET "ANIF"

Selon les spécialistes de rap qui l'ont entendu, le morceau aurait été enregistré sur du matériel rudimentaire. Les deux rappeurs, "W" et "Anif", peinent à enchaîner les strophes. De modestes amateurs, dont les propos cumulent, à l'évidence, appel au meurtre et incitation à la haine raciale. Restera donc à les identifier. Dans leur brûlot, tous deux assurent défendre leurs "frères palestiniens". Mais David Gamrasni invite à la prudence : "Ils prononcent des mots arabes, mais avec l'accent français. Ça peut aussi venir de l'extrême droite." Le responsable communautaire met d'ailleurs en avant une strophe - "les proies c'est vous, mais les aigles c'est nous" - qui "rappelle la phraséologie fasciste".

Le procureur de Lyon, Xavier Richaud, a saisi la direction interrégionale de la police judiciaire afin de déterminer "si les propos sont bien antisémites", mais surtout "où ont-ils été diffusés et s'ils le sont encore". Jeudi 24 février, la ritournelle, ou plutôt son "remix", était en tout cas disponible sur le site de téléchargement eMule et diffusé par trois personnes.

Nathaniel Herzberg

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