logolibePar Pierre PRAKASH
mardi 17 mai 2005 (Liberation - 06:00) New Delhi

Doté des fonctions de base d'un PC et équipé de logiciels open source (modifiables à loisir et souvent gratuits, comme Linux), le SofComp, qui sera commercialisé d'ici trois à quatre mois, bat en effet tous les records de prix : moins de 180 euros l'unité (270 euros avec un écran plasma). Décrit comme "l'ordinateur n'importe où, n'importe quand", sa version portable, le Mobilis, ne pêse que 750 grammes et devrait, lui, coûter 180 euros. A condition toutefois que le fabricant enregistre assez de commandes. "Ces prix sont calculés sur la base d'au moins 50 000 unités produites pour le SofComp, et 100 000 pour le Mobilis", précise Vinay Deshpande. Selon lui, des demandes émanent déjà d'Inde et d'Afrique, voire d'Europe pour des applications industrielles.

En 2002, Encore Software avait déjà frappé l'imagination mondiale en sortant le Simputer, décrit comme "l'ordinateur du pauvre". De la taille d'un Palm, équipé d'un logiciel de reconnaissance vocale polyglotte et vendu environ 200 euros, l'engin avait pour ambition de "briser la fracture numérique" en introduisant l'informatique dans les campagnes du tiers-monde. En trois ans, le Simputer ne s'est pourtant vendu qu'à 5 000 exemplaires. "Le pari était ambitieux car ce produit s'adressait aux masses rurales, argumente Vinay Deshpande. Dotés d'un grand écran, le SofComp et le Mobilis constituent, eux, une réelle alternative au PC. Nous les avons imaginés en pensant à l'Inde et aux pays en développement, mais ils pourraient três bien être adoptés par les pays occidentaux. C'est un produit destiné au marché mondial."

Analphabêtes. Développé en moins d'un an et demi et pour "moins de 900 000 euros", le SofComp-Mobilis est d'abord "une solution indienne à des problêmes indiens", explique le ministre de la Science et de la Technologie, Kapil Sibal. S'il tient ses promesses, l'engin pourrait toutefois largement dépasser les frontiêres. Non seulement en raison de son prix, mais aussi parce qu'il a été conçu pour les néophytes. Chaque logiciel est ainsi activé par de simples touches ajoutées au clavier, et l'écran tactile facilite l'interaction avec l'utilisateur. La présence d'un systême de reconnaissance vocale et de la fonction "text to speech" le rend même accessible aux analphabêtes. La machine peut en effet lire à haute voix un document ou une page Internet, en anglais mais aussi en trois langues régionales indiennes, bientôt cinq.

Amputé de disque dur, l'engin ne peut stocker des données que dans une carte mémoire (entre 120 à 512 Mb), une spécificité qui, combinée à l'utilisation de logiciels open source, est censée réduire le risque de virus. Grand comme un livre de poche, le SofComp-Mobilis reste compatible avec les PC et peut être raccordé à un lecteur de CD-Rom ou un disque dur externe. Il ne nécessite par ailleurs que 8 watts pour fonctionner, un atout majeur pour un pays comme l'Inde où les fluctuations de courant sont quotidiennes.

Autonomie. Equipé au choix d'un clavier intégré ou séparé, le Mobilis, incrusté dans une petite sacoche, dispose, lui, d'une autonomie de six heures. Il est livré avec un traitement de texte, un logiciel de comptabilité, un agenda personnel, un navigateur Internet, un lecteur de livres électronique ainsi que des programmes audio, vidéo et photo. "Ils sont largement suffisants pour la grande majorité des utilisateurs qui ne se servent de toute façon que d'une petite fraction des capacités d'un PC, estime Deshpande. Du particulier au petit commerçant en passant par les conseils de villages, les hôpitaux ou les administrations, les applications potentielles de ce produit sont innombrables." Sans compter les applications industrielles.

Avant même son lancement officiel, l'engin a d'ailleurs déjà été testé et adopté par plusieurs entreprises. Basé à Bangalore, le constructeur de voitures électriques Reva en a fait un tableau de bord électronique. Aux Etats-Unis, une entreprise d'équipement de sécurité s'en sert comme plate-forme interactive pour les alarmes installées chez des particuliers. Un institut de recherches basé à Bombay étudie d'éventuelles applications agricoles.

Mais pour les particuliers, le prix, la taille et la facilité d'utilisation restent les atouts majeurs de ce nouvel appareil qui a forcement vocation à s'exporter. De ce point de vue, la stratégie de développement du SofComp s'apparente à celle de la Logan, la voiture dite du "pauvre", fabriquée par Dacia (Renault) en Roumanie et vendue à 5 800 euros sur place (7 500 euros en France). A l'image de la Logan destinée d'abord aux pays de l'Est, le SofComp vise les pays du Sud peu ou pas équipés en informatique. Mais, comme Renault, les concepteurs de l'ordi à moins de 200 euros espêrent bien dépasser les frontiêres du Sud et traverser celles des pays développés.

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