1- Article du monde :

'est en apprenant que des élus du Congrès ou leurs collaborateurs avaient eux-mêmes écrit leur notice biographique sur l'encyclopédie libre Wikipédia que Virgil Griffith, un étudiant américain – qui avait déjà révélé les failles de différents systèmes informatiques –, s'est attelé l'an dernier à créer le WikiScanner, mis en ligne lundi 13 août. Ce logiciel, qui croise différentes bases de données, permet à tout internaute de trouver à quels organismes ou entreprises appartiennent les adresses IP des ordinateurs d'où ont été modifiées anonymement des notes de l'encyclopédie libre. Et, en comparant ainsi deux versions d'une notule, de constater qu'un utilisateur du réseau informatique d'une entité a modifié ou supprimé des passages qui le gênaient.

Les exemples sont légion. Le magazine américain Wired évoque notamment la disparition, le 17 novembre 2005, de plusieurs paragraphes critiquant la fiabilité des machines à voter Diebold et les liens entre son dirigeant et George W. Bush. Une suppression qui, selon le WikiScanner, émane d'adresses IP utilisées par les bureaux de la firme Diebold elle-même. La chaîne de supermarchés Wal-Mart a pour sa part remplacé une phrase sur ses salaires : le premier texte les disait plus bas que ceux du reste de la grande distribution... le nouveau les qualifiait de deux fois plus élevés que le salaire minimum.

CIA, NSA, FBI

Du côté des autorités, des modifications ont été effectuées depuis des adresses IP de la CIA, mais elles sont plutôt marginales selon Wired. Plutôt que de tenter de relever lui-même toutes les modifications "honteuses", le site a sollicité ses visiteurs, qui soumettent des cas et désignent ceux qui leur paraissent les plus ou les moins scandaleux. On y lit ainsi qu'une personne se connectant du réseau de la NSA (Agence de sécurité américaine) a supprimé, dans la note sur "l'extraction d'information", un lien qu'elle jugeait "non pertinent" vers le réseau Echelon, système de la NSA qui permet d'intercepter les communications ; que le FBI a supprimé des vues aériennes de la prison de Guantanamo ; qu'un membre du réseau informatique du gouvernement israélien a tenté de supprimer toute la note concernant le "mur" construit pour séparer l'Etat hébreu de la Cisjordanie.

On apprend aussi, entre autres modifications classées très haut par les internautes, que les références à la catastrophe de l'usine de pesticides de Bhopal et de l'agent orange ont été supprimées depuis le réseau du fabricant de produits chimiques Dow Chemical. Ou encore qu'un membre du Parti républicain a remplacé "armée d'occupation" par "armée de libération" pour évoquer la coalition emmenée par les Etats-Unis en Irak. Les scientologues, eux, œuvrent à supprimer toute critique à leur encontre. On découvre également qu'une phrase affirmant que le système de Microsoft MSN Search est "un rival majeur de Google" émane justement de l'agence chargée des relations publiques de Microsoft.

Claire Ané

article original


2- Article de libération :

Wikipédia : un outil pour identifier les manipulateurs d’informations

Un nouvel outil permet d’identifier les organisations modifiant des contenus dans l’encyclopédie Wikipédia.

par Sébastien Delahaye

C’est le jeu le plus amusant de la semaine : un outil, le WikiScanner, qui permet de voir qui a modifié quoi dans l’encyclopédie Wikipédia. WikiScanner réutilise les données publiques de l’encyclopédie, et a ainsi archivé plus de 34 millions de modifications entre février 2002 et août 2007. Surtout, l’outil a la bonne idée d’identifier les organisations ayant effectué des modifications dans Wikipédia. Pour ce faire, WikiScanner se base sur l’adresse IP, un identifiant de connexion unique qui permet de savoir d’où opère l’internaute.

Sur son site, WikiScanner trie donc les modifications par organisation : CIA, NSA, Vatican, le géant américain de la distribution Wal-Mart, la compagnie pétrolière ExxonMobil, l’Eglise de Scientologie... et des dizaines de milliers d’autres. Le site laisse aussi aux internautes la possibilité d’indiquer à quelle organisation appartient telle IP, ce qui permet d’identifier encore plus rapidement la provenance des modifications. Mis en ligne lundi par Virgil Griffith, un étudiant américain, le site a très vite été envahi par les internautes, qui traquent la petite bête. Car si la plupart des modifications sont bénignes (corrections de coquilles, ajouts de détails), certaines sont évidemment effectuées dans le but de cacher des informations. Des pratiques qualifiées de « vandalisme » par l’encyclopédie.

Et les actes de vandalisme sont nombreux et variés : le lobby américain des armes ajoute que l’Irak est impliqué dans les attentats du 11 septembre ; le FBI retire des images de Guantanamo ; quelqu’un chez Halliburton (la compagnie pétrolière pour laquelle a travaillé le vice-président américain Dick Cheney) édite la page consacrée aux crimes de guerre ; Nintendo supprime des références aux problèmes matériels de ses consoles GameCube et DS ; l’Eglise de Scientologie enlève des critiques. Et ce ne sont que quelques exemples. Le magazine américain Wired a mis en place une page permettant à ses lecteurs de partager leurs trouvailles.

En France, les modifications sont également nombreuses (et remarquées notamment par Rue89 et par l’Observatoire des Médias). Ainsi, Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret, est-il blanchi de sa condamnation pour prise illégale d’intérêt et de son détournement de fonds publics. Les modifications proviennent directement de la Mairie de Levallois, qui a multiplié les contributions à Wikipédia ces dernières années. Jean-François Copé a lui vu disparaître de sa page Wikipédia une polémique sur son appartement. Derrière la modification, quelqu’un utilisant le réseau du ministère de l’Economie et des Finances.

Découvrir tout cela était déjà possible avant le WikiScanner, qui ne fait que réutiliser des données disponibles depuis toujours. Mais l’outil de Virgil Griffith simplifie la recherche par organisation, ce qui explique l’abondonce subite de découvertes dans Wikipédia. Il faudra cependant encore probablement un certain temps avant que les cinq ans d’archives collectées par le scanner ne révèlent toutes leurs surprises.

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