Les fournisseurs de fibre optique refusent même de se transmettre les informations relatives à leurs réseaux respectifs. L’usager qui souhaite savoir si son immeuble est déjà fibré doit les consulter un par un pour obtenir une réponse, leurs sites Internet proposant des tests d’éligibilité, sur la base du numéro de téléphone et de l’adresse. France Télécom-Orange, l’opérateur historique, publie une carte sans chiffres des zones raccordées.

SFR indique qu’il aura équipé 80 % du réseau “horizontal” parisien (égouts) à la fin 2009 et Free 70 %. Numericable, qui installe pour l’instant du câble coaxial dans les immeubles, assure avoir amené la fibre “jusqu’aux boîtes aux lettres” de 4,1 millions de foyers, à Paris et en province. Au 31 décembre 2008, la France comptait 20 500 immeubles équipés en fibre et 550 000 foyers éligibles, dans la région parisienne et les plus grandes villes, indique l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), gendarme des télécommunications.

Pour empêcher la reconstitution de monopoles locaux, l’Arcep a récemment adopté un projet de décision clarifiant les règles de la mutualisation. Si ce texte est homologué par le gouvernement, en octobre, l’opérateur choisi par une assemblée de copropriétaires pour “fibrer” son immeuble devra en informer ses concurrents dans un délai d’un mois. Ces derniers pourront lui demander d’installer des fibres “surnuméraires”. Les travaux devront être terminés dans les six mois. “Nous sommes très contents”, commente Claude Chetrit, vice-président de la chambre Fnaim Ile-de-France. “Dommage que l’Arcep n’ait pas prévu de sanctions pour ceux qui ne joueront pas le jeu”, regrette Fernand Champavier, président de l’Union nationale des associations de responsables de copropriété.

L’opérateur choisi, appelé “opérateur d’immeuble”, devra accueillir les réseaux de ses concurrents au sein d’un “point de mutualisation”, situé le plus souvent à la cave, et tirer autant de fibres que d’opérateurs l’ayant demandé, jusqu’aux appartements, qui disposeront de plusieurs prises. Si, après avoir été équipé par Orange, un locataire veut s’abonner chez Free, il lui suffira de brancher son matériel sur la prise dédiée, tandis qu’un technicien Free activera sa ligne depuis un central optique desservant plusieurs milliers d’appartements. Le locataire pourra aussi garder Orange pour le téléphone et prendre Free pour l’ordinateur.

La solution proposée par l’Arcep satisfait Free, qui a d’emblée équipé ses immeubles de deux fibres. Elle déplaît à Orange, partisan du “monofibre”. Actuellement, lorsqu’un client équipé par Orange veut s’abonner chez Free, il doit attendre que le technicien Free vienne dans sa cave opérer un raccordement. Il ne peut pas s’abonner à plusieurs opérateurs en même temps. “La solution de l’Arcep évite que les opérateurs interviennent en ordre dispersé dans nos propriétés”, se félicite M. Chetrit. Free, qui, à la différence de l’opérateur historique, ne dispose pas des codes des immeubles ni des numéros de téléphone des concierges, se réjouit pour sa part de ne pas avoir à faire d’interventions sur place. France Télécom estime que ce dispositif lui imposera des surcoûts, bien que chaque opérateur doive préfinancer sa quote-part et prendre en charge une partie de l’investissement initial. Il a menacé de geler ses investissements dans la fibre optique si le projet est adopté tel quel.

Rafaële Rivais
Article paru dans le monde, édition du 15.07.09.